La démarche participative avance dans les parcs et jardins
Aujourd'hui, il n'est plus question de créer un parc ou un jardin sans consulter au préalable la population qui sera amenée à l'utiliser. À l'instar de la « démocratie participative », une notion un peu floue, bien que basée sur une demande sociale bien réelle, – qui avait marqué la campagne présidentielle de 2007 dans l'Hexagone –, le « jardin participatif » est en marche...
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Pendant des années, dans les villes, c'est le citoyen qui devait s'adapter au jardin. L'interdiction de fouler les pelouses, de cueillir les fruits... était la norme. La densification des villes et la montée en force du besoin de nature entraînent la création de nombreux espaces verts urbains, avec un souci grandissant de les adapter à ce que les citoyens veulent en faire. Voire à ce qu'ils en faisaient auparavant ! Car ce n'est pas parce qu'un parc va être créé sur une friche qu'aucun usage n'y préexistait avant et qu'il s'agissait d'un lieu sans vie. Elle était peut-être un espace de promenade pour les habitants et leurs animaux domestiques, le théâtre de barbecues de quartier, un espace de jeu pour les enfants... Si tel est le cas et qu'un jardin à la française prenne sa place, avec allées tirées au cordeau, bordures rectilignes et pelouses sanctuarisées, il y a peu de chance qu'il vieillisse bien...
L'impression d'avoir tous les droits
La rencontre technique de Seine-Saint-Denis, organisée le 26 novembre dernier au lycée du paysage et de l'environnement de Fénelon, à Vaujours (93), a montré à quel point il est difficile de faire cohabiter la personne qui médite en criant... – sous les fenêtres d'habitants qui, eux, ne partagent pas forcément cette passion pour la culture orientale –, ou bien les adhérents à la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) et les amateurs de chats, voire les joggeurs et les cyclistes ! Les espaces verts font l'objet d'usages les plus inattendus qu'il n'est pas toujours facile de gérer. D'autant que les gens sont dans un espace public dans lequel ils ont parfois l'impression d'avoir tous les droits.
Des espaces qui fonctionnent bien
Aujourd'hui, des professionnels sont là pour aider les gestionnaires à mieux prendre en compte la demande sociale dans son ensemble, dans sa diversité d'origine sociale, ethnique ou culturelle. Lors des journées techniques qui ont eu lieu à Vaujours, ils ont exprimé les difficultés qu'ils rencontrent parfois à exercer leur travail, les limites de leur action sur le terrain, pour des raisons politiques (le jardin qui doit être inauguré dans des délais basés sur un calendrier politique) ou techniques (les plantations qui doivent être effectuées tant que le climat le permet), alors que la concertation est une démarche dévoreuse de temps. La fréquentation d'un site est un gage de sa bonne acceptation sociale, mais elle est parfois un frein : dans le parc des Chanteraines, situé à la fois sur les communes de Gennevilliers (92) et de Villeneuve-la-Garenne (92), il a fallu interdire la baignade dans l'étang, la sur-fréquentation entraînant des problèmes sanitaires.
La baignade est d'ailleurs à présent de plus en plus souvent proscrite dans les jardins publics, au profit de jeux d'eau qui sont plus faciles à gérer en termes de santé publique.
Mais les intervenants de cette journée ont aussi expliqué que, pour peu que l'on sache prendre en compte les réalités de terrain, on peut créer des espaces qui fonctionnent bien (lire ci-contre).
Le parc départemental des Lilas, à Vitry-sur-Seine (94), a été aménagé sur des terrains traditionnellement dédiés à l'horticulture et à l'agriculture. La maîtrise d'ouvrage a souhaité intégrer ces usages et les mettre en valeur dans l'agencement du parc, qui s'est étalé dans le temps autour des parcelles restées privées, et qui s'étend au fur et à mesure que de nouvelles zones se libèrent. En Italie, à Milan, le Parco Nord a été mis en place sur des friches qui étaient devenues des jardins légumiers sauvages. Des potagers pour les personnes âgées, sur de grandes surfaces (le parc compte 620 hectares organisés progressivement à partir des années 1970), ont permis de faire accepter la conception d'un espace aménagé et ouvert à un large public. Les exemples à succès ne manquent pas. À Rotterdam (le Lien horticole n° 822 du 5 décembre 2012), les habitants ont pris en main leur jardin, et un architecte a conçu un vrai paradis pour les enfants. À Nantes, la ville dissémine des espaces gourmands (le Lien horticole n° 880 du 2 avril 2014), tandis que des commerces et des habitants s'impliquent dans l'opération « Ma rue en fleurs ».
Une association à bénéfices réciproques
Toutes ces démarches aboutissent à une quasicogestion des lieux que l'on rencontre sur de grands espaces, mais aussi, à de petites échelles, des parcelles de 2 m² de jardins partagés, dans les jardins d'Éole, à Paris, par exemple (page 15), voire des pieds d'arbres en pleine rue, ou des pieds de murs... Tout est bon pour satisfaire le besoin de nature des habitants, avec un bénéfice pour le riverain, le passant, mais aussi pour le gestionnaire, qui limite ainsi les surfaces qu'il doit entretenir au quotidien.
L'implication des citoyens présente également d'autres avantages : un meilleur respect des réalisations de la part du public qui intègre leur finalité, la possibilité de nouer des relations sociales au coeur des quartiers... Sans oublier le rôle de vitrine joué par ces massifs pour les végétaux auprès de la population (comme à Alphen-a/d-Rijn, aux Pays-Bas ; lire en page 14). Une association à bénéfices réciproques, donc...
Pour se donner le maximum de chances de réussir un projet de parc ou d'espace vert sur le long terme, un acteur peut apporter une contribution précieuse : celle du médiateur. Dans l'idéal, ce dernier intervient dans le prolongement de la démarche. Ce sera une personne référente ou un animateur de la ville, comme pour le parc des Lilas, à Vitry-sur-Seine. Il rappellera si besoin les règles d'usage, informera, programmera des événements culturels. Il fera le lien, sur la durée, entre les partenaires, les usagers, la collectivité. Il pourrait, par exemple, avoir un rôle de transmission sur les sujets de la nature en ville, de la protection de l'environnement...
Pascal Fayolle, Odile Maillard
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